Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/306

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rançon du Capitole. Donnez en cette Grèce menteresse et y semez encore un coup la fameuse nation des Gallo-Grecs. Pillez-moi sans conscience les sacrés trésors de ce temple Delphique, ainsi que vous avez fait autrefois, et ne craignez plus ce muet Apollon ni ses faux oracles. Vous souvienne de votre ancienne Marseille, seconde Athènes ; et de votre Hercule gallique tirant les peuples après lui par leurs oreilles avec une chaîne attachée à sa langue. »

C’est un livre bien remarquable que ce livre de du Bellay ; c’est un de ceux qui jettent le plus de jour sur l’histoire de la littérature française, et peut-être aussi le moins connu de tous les traités écrits sur ce sujet : je ne sache pas qu’aucun auteur s’en soit servi depuis deux siècles, si ce n’est M. Sainte-Beuve qui en a donné une analyse. Je n’aurais pas hasardé cette citation, beaucoup plus longue encore, si je ne la regardais comme l’histoire la plus exacte que l’on puisse faire de l’école de Ronsard.

En effet, tout est là : à voir comme les réformes prêchées, les théories développées dans la Défense et Illustration de la langue française, ont été fidèlement adoptées depuis et mises en pratique dans tous leurs points, il est même difficile de douter qu’elle ne soit l’œuvre de cette école tout entière ; je veux dire de Ronsard, Ponthus de Thiard, Rémi Belleau, Étienne Jodelle, J. Antoine de Baïf, qui, joints à du Bellay, composaient ce qu’on appela depuis la Pléiade[1]. Du reste, la plupart de ces auteurs avaient écrit beaucoup d’ouvrages dans le système prêché par du Bellay, bien qu’ils ne les eussent point fait encore imprimer ; de plus, il est question des odes dans l’Illustration, et Ronsard dit plus tard dans une préface avoir le premier introduit le mot ode dans la langue française ; ce qu’on n’a jamais contesté.

Mais, soit que ce livre ait été de plusieurs mains, soit qu’une

  1. Il est à remarquer que l’Illustration ne parle nominativement d’aucun d’entre eux ; plusieurs cependant étaient déjà connus. Il me semble que du Bellay n’aurait pas manqué de citer ses amis s’il eût porté seul la parole.