Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/316

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à l’acharnement momentané d’une lutte littéraire, ni de hautes réputations s’échafauder avec des œuvres admirées sur parole.

Non, sans doute, nous ne sommes pas indulgents envers l’école de Ronsard : et, en effet, on ne peut que s’indigner, au premier abord, de l’espèce de despotisme qu’elle a introduit en littérature, de cet orgueil avec lequel elle prononçait les Odi profanum vulgus, d’Horace, repoussant toute popularité comme une injure, et n’estimant rien que le noble, et sacrifiant toujours à l’art le naturel et le vrai. Ainsi aucun poëte n’a célébré plus et la nature et le printemps que ne l’ont fait ceux du xvie siècle, et croyez-vous qu’ils aient jamais songé à demander des inspirations à la nature et au printemps ? Jamais : ils se contentaient de rassembler ce que l’antiquité avait dit de plus gracieux sur ce sujet, et d’en composer un tout, digne d’être apprécié par les connaisseurs ; il arrivait de là qu’ils se gardaient de leur mieux d’avoir une pensée à eux ; et cela est tellement vrai, que les savants commentaires dont on honorait leurs œuvres ne s’attachaient qu’à y découvrir le plus possible d’imitations de l’antiquité. Ces poëtes ressemblaient en cela beaucoup à certains peintres qui ne composent leurs tableaux que d’après ceux des maîtres, imitant un bras chez celui-ci, une tête chez cet autre, une draperie chez un troisième, le tout pour la plus grande gloire de l’art, et qui traitent d’ignorants ceux qui se hasardent à leur demander s’il ne vaudrait pas mieux imiter tout bonnement la nature.

Puis, après ces réflexions qui vous affectent désagréablement à la première lecture des œuvres de la Pléiade, une lecture plus particulière vous réconcilie avec elle : les principes ne valent rien ; l’ensemble est défectueux, d’accord, et faux et ridicule ; mais on se laisse aller à admirer certaines parties des détails ; ce style primitif et verdissant assaisonne si bien de vieilles pensées déjà banales chez les Grecs et les Romains, qu’elles ont pour nous tout le charme de la nouveauté ; quoi