Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/380

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— En quoi ?

— C’est aujourd’hui jour de correspondance avec Senlis, vous pourrez paraître devant le substitut. Allons, levez-vous.

— Et comment va-t-on à Senlis ?

— À pied ; cinq lieues, ce n’est rien.

— Oui mais s’il pleut…, entre deux gendarmes, sur des routes détrempées…

— Vous pouvez prendre une voiture.

Il m’a bien fallu prendre une voiture. Une petite affaire de onze francs ; deux francs à la pistole ; — en tout, treize. — Ô fatalité !

Du reste, les deux gendarmes étaient très-aimables, et je me suis mis fort bien avec eux sur la route en leur racontant les combats qui avaient eu lieu dans ce pays du temps de la Ligue. En arrivant en vue de la tour de Montépilloy, mon récit devint pathétique, je peignis la bataille, j’énumérai les escadrons de gens d’armes qui reposaient sous les sillons ; — ils s’arrêtèrent cinq minutes à contempler la tour, et je leur expliquai ce que c’était qu’un château fort de ce temps-là.

Histoire ! archéologie ! philosophie ! Vous êtes donc bonnes à quelque chose.

Il fallut monter à pied au village de Montépilloy, situé dans un bouquet de bois. Là, mes deux braves gendarmes de Crespy m’ont remis aux mains de ceux de Senlis, et leur ont dit :

— Il a pour deux jours de pain dans le coffre de la voiture.

— Si vous voulez déjeuner ? m’a-t-on dit avec bienveillance.

— Pardon, je suis comme les Anglais, je mange très-peu de pain.

— Oh ! l’on s’y fait.

Les nouveaux gendarmes semblaient moins aimables que les autres, l’un d’eux me dit :

— Nous avons encore une petite formalité à remplir.