Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/218

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dès lors à une moindre distance de celle des sauvages ; elle espérait donc rencontrer de ses compatriotes, sinon au bout de la première semaine, du moins au bout de la seconde. Elle résolut sa fuite, et réalisa sur-le-champ son projet. Un petit sac rempli de vivres fut tout ce qu’elle emporta avec elle ; elle avait quatre cents long milles à faire depuis le grand Miami jusqu’à l’Ohio supérieur ; mais son courage était à la hauteur de sa grande entreprise. Elle aimait son Toffel ; elle l’aimait maintenant plus que jamais, ce garçon si bon, si patient, et pourtant si sensé. Son courage fut rudement mis à l’épreuve dans les marais de Franklin, elle courut un grand danger de se noyer dans le Sciota, et, en errant pendant plusieurs jours dans les solitudes qui séparent Colombus, capitale de l’Etat de l’Ohio, de New-Lancaster, d’être dévorée par les ours et les panthères ; mais elle se tira heureusement des marais, des rivières et des lieux déserts. Pendant les cinq premiers jours, elle vécut de sa provision de gibier fumé ; puis elle se régala de papaws, de châtaignes et de raisins sauvages, et, au bout de dix jours de peines et de fatigues inexprimables, elle trouva, pour la première fois, un abri sûr dans un blockhaus. Même ici, son esprit irlandais indomptable ne l’abandonna pas, et elle aborda les Hinterwoeldler d’un air aussi assuré et aussi ouvert que si elle se fût présentée à la tête des Shawnesees, et leur demanda des vivres. Ceux-ci ouvrirent d’assez grands yeux, comme on peut le présumer, mais ils donnèrent ce qu’ils avaient. Dès lors notre bonne Jemmy n’eut plus qu’à suivre les