Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au lansquenet cette nuit ? Je puis vous le rendre, et même vous en prêter d’autre.

FABIO. Cela n’est point nécessaire. Adieu.

MAZETTO. Prenez garde à la jettatura, seigneur Fabio ! (Il sort.)


FABIO, seul.

Je suis fatigué de voir la tête de ce coquin faire ombre sur mon amour ; mais, Dieu merci, ce messager va me devenir inutile. Qu’a-t-il fait, d’ailleurs, que de remettre adroitement mes billets et mes fleurs, qu’on avait longtemps repoussés ? Allons, allons, l’affaire a été habilement conduite et touche à son dénoûment… Mais pourquoi suis-je donc si morose ce soir, moi qui devrais nager dans la joie et frapper ces dalles d’un pied triomphant ? N’a-t-elle pas cédé un peu vite, et surtout depuis l’envoi de mes présents ?… Bon, je vois les choses trop en noir, et je ne devrais songer plutôt qu’à préparer ma rhétorique amoureuse. Il est clair que nous ne nous contenterons pas de causer amoureusement sous les arbres, et que je parviendrai bien à l’emmener souper dans quelque hôtellerie de Chiaia ; mais il faudra être brillant, passionné, fou d’amour, monter ma conversation au ton de mon style, réaliser l’idéal que lui ont présenté mes lettres et mes vers… et c’est à quoi je ne me sens nulle chaleur et nulle énergie… J’ai envie d’aller me remonter l’imagination avec quelques verres de vin d’Espagne.


FABIO, MARCELLI

MARCELLI.