Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trois à quatre mille hommes, admirait les solitudes, les roches bizarres, les horizons bornés par cette dentelure des monts revêtus d’une sombre verdure, que de longues vallées interrompent seulement de loin en loin. Les riches plateaux de Saint-Avold, les manufactures de Sarreguemines, les petits taillis compacts de Limblingne, où les frênes, les peupliers et les sapins étalent leur triple couche de verdure nuancée du gris au vert sombre ; vous savez combien tout cela est d’un aspect magnifique et charmant.

A peine arrivés à Bitche, les voyageurs descendirent à la petite auberge du Dragon, et Desroches me fit demander au fort. J’arrivai avec empressement ; je vis sa nouvelle famille, et je complimentai la jeune demoiselle, qui était d’une rare beauté, d’un maintien doux, et qui paraissait fort éprise de son futur époux. Ils déjeunèrent tous trois avec moi, à la place où nous sommes assis dans ce moment. Plusieurs officiers, camarades de Desroches, attirés par le bruit de son arrivée, le vinrent chercher à l’auberge et le retinrent à dîner chez l’hôtelier de la redoute, où l’état-major payait pension. Il fut convenu que les deux dames se retireraient de bonne heure, et que le lieutenant donnerait à ses camarades sa dernière soirée de garçon.

Le repas fut gai, tout le monde savourait sa part du bonheur et de la gaieté que Desroches ramenait avec lui. On lui parla de l’Egypte, de l’Italie, avec transport, en faisant des plaintes amères sur cette mauvaise fortune qui confinait tant de bons soldats dans des forteresses de frontière.

— Oui, murmuraient quelques officiers, nous étouffons