Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/314

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Nous avons les poudres sous l’aile gauche, et, là, on ne saurait pénétrer sans ordre supérieur. A droite sont les conduits d’eau réservés et les salpêtres bruts ; au milieu, les contre-mines et les galeries… Vous savez ce que c’est qu’une voûte ?

N’importe, je suis curieux de visiter des lieux où se sont passés tant d’événements sinistres… où même vous avez couru des dangers, à ce qu’on m’a dit.

— Il ne me fera pas grâce d’un caveau, pensa Desroches. — Suivez-moi, frère, dans cette galerie qui mène à la poterne ferrée.

La lanterne jetait une triste lueur aux murailles moisies, et tremblait en se reflétant sur quelques lames de sabres et quelques canons de fusil rongés par la rouille.

— Qu’est-ce que ces armes ? demanda Wilhelm.

— Les dépouilles des Prussiens tués à la dernière attaque du fort, et dont mes camarades ont réuni les armes en trophées.

— Il est donc mort plusieurs Prussiens ici ?

— Il en est mort beaucoup dans ce rond-point…

— N’y tuâtes-vous pas un sergent, vieillard de haute taille, à moustaches rousses ?

— Sans doute, ne vous en ai-je pas conté l’histoire.

— Non, pas vous ; mais hier à table on m’a parlé de cet exploit… que votre modestie nous avait caché.

— Qu’avez-vous donc, frère, vous pâlissez ?

Wilhelm répondit d’une voix forte :

— Ne m’appelez pas frère, mais ennemi ! … Regardez, je suis un Prussien ! Je suis le fils de ce sergent que vous avez assassiné.

— Assassiné !