Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/315

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— Ou tué, qu’importe ! Voyez ; c’est là que votre sabre a frappé.

Wilhelm avait rejeté son manteau et indiquait une déchirure dans l’uniforme vert qu’il avait revêtu, et qui était l’habit même de son père, pieusement conservé.

— Vous êtes le fils de ce sergent ! Oh ! mon Dieu, me raillez-vous ?

— Vous railler ? Joue-t-on avec de pareilles horreurs ?… Ici a été tué mon père, son noble sang a rougi ces dalles ; ce sabre est peut-être le sien ! Allons, prenez-en un autre et donnez-moi la revanche de cette partie !… Allons, ce n’est pas un duel, c’est le combat d’un Allemand contre un Français ; en garde !

— Mais vous êtes fou, cher Wilhelm, laissez donc ce sabre rouillé. Vous voulez me tuer, suis-je coupable ?

— Aussi. vous avez la chance de me frapper à mon tour, et elle est double pour le moins de votre côté. Allons, défendez-vous.

— Wilhelm ! tuez-moi sans défense ; je perds la raison moi-même, la tête me tourne… Wilhelm ! j’ai fait comme tout soldat doit faire ; mais songez-y donc… D’ailleurs, je suis le mari de votre sœur ; elle m’aime ! Oh ! ce combat est impossible.

— Ma sœur !… et voilà justement ce qui rend impossible que nous vivions tous deux sous le même ciel ! Ma sœur ! elle sait tout ; elle ne rêvera jamais celui qui l’a faite orpheline. Hier, vous lui avez dit le dernier adieu.

Desroches poussa un cri terrible et se jeta sur Wilhelm pour le désarmer ; ce fut une lutte assez longue, car le jeune homme opposait aux secousses de son adversaire la résistance de la rage et du désespoir.