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LES FILLES DU FEU

romanesque, — car il faut bien s’entendre sur les mots.

Je m’étais assuré de l’existence du livre en France, et je l’avais vu classé non-seulement dans le manuel de Brunet, mais aussi dans la France littéraire de Quérard. — Il paraissait certain que cet ouvrage, noté, il est vrai, comme rare, se rencontrerait facilement soit dans quelque bibliothèque publique, soit encore chez un amateur, soit chez les libraires spéciaux.

Du reste, ayant parcouru le livre, — ayant même rencontré un second récit des aventures de l’abbé de Bucquoy dans les lettres si spirituelles et si curieuses de madame Dunoyer, — je ne me sentais pas embarrassé pour donner le portrait de l’homme et pour écrire sa biographie selon des données irréprochables.

Mais je commence à m’effrayer aujourd’hui des condamnations suspendues sur les journaux pour la moindre infraction au texte de la loi nouvelle. Cinquante francs d’amende par exemplaire saisi, c’est de quoi faire reculer les plus intrépides : car, pour les journaux qui tirent seulement à vingt-cinq mille, — et il y en a plusieurs, — cela représenterait plus d’un million. On comprend alors combien une large interprétation de la loi donnerait au pouvoir de moyens pour éteindre toute opposition. Le régime de la censure serait de beaucoup préférable. Sous l’ancien régime, avec l’approbation d’un censeur, — qu’il était permis de choisir, — on était sûr de pouvoir sans danger produire ses idées, et la liberté dont on jouissait était extraordinaire quelquefois. J’ai lu des livres contresignés Louis et Phélippeaux qui seraient saisis aujourd’hui incontestablement.

Le hasard m’a fait vivre à Vienne sous le régime de la