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LES FILLES DU FEU

Un péril succédait à un autre ; — le commissaire paraissait disposé à nous inviter à dîner pour nous lire sa tragédie. Il fallut prétexter des affaires à Paris pour être autorisé à monter dans la voiture de Chantilly, dont le départ était suspendu par notre arrestation.

Je n’ai pas besoin de vous dire que je continue à ne vous donner que des détails exacts sur ce qui m’arrive dans ma recherche assidue.

Ceux qui ne sont pas chasseurs ne comprennent point assez la beauté des paysages d’automne. — En ce moment, malgré la brume du matin, nous apercevons des tableaux dignes des grands maîtres flamands. Dans les châteaux et dans les musées, on retrouve encore l’esprit des peintres du Nord. Toujours des points de vue aux teintes roses ou bleuâtres dans le ciel, aux arbres à demi effeuillés, — avec des champs dans le lointain ou sur le premier plan des scènes champêtres.

Le voyage à Cythère de Watteau a été conçu dans les brumes transparentes et colorées de ce pays. C’est une Cythère calquée sur un îlot de ces étangs créés par les débordements de l’Oise et de l’Aisne, — ces rivières si calmes et si paisibles en été.

Le lyrisme de ces observations ne doit pas vous étonner ; — fatigué des querelles vaines et des stériles agitations de Paris, je me repose en revoyant ces campagnes si vertes et si fécondes ; — je reprends des forces sur cette terre maternelle.

Quoi qu’on puisse dire philosophiquement, nous tenons au sol par bien des liens. On n’emporte pas les cendres de ses pères à la semelle de ses souliers, — et le plus pauvre garde quelque part un souvenir sacré qui lui rappelle ceux