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LES FILLES DU FEU

chandeliers, aiguières ; mais il dit : « Cela est embarrassant. »

Et il l’engagea à s’aller vêtir en homme avec un pourpoint et une casaque, — afin qu’ils ne fussent pas reconnus.

Ils allèrent droit à Compiègne, où le cheval d’Angélique de Longueval fut vendu quarante écus. Puis, ils prirent la poste, et arrivèrent le soir à Charenton.

La rivière était débordée, de sorte qu’il fallut attendre jusqu’au jour. — Là, Angélique, dans son costume d’homme, put faire illusion à l’hôtesse, qui dit comme le postillon lui tirait les bottes :

Messieurs, que vous plaît-il de souper ?

— Tout ce que vous aurez de bon, madame, fut la réponse.

Cependant Angélique se mit au lit, si lasse qu’il lui fut impossible de manger. Elle craignait surtout le comte de Longueval, son père, qui alors se trouvait à Paris.

Le jour venu, ils se mirent dans le bateau jusqu’à Essonne, où la demoiselle se trouva tellement lasse, qu’elle dit à La Corbinière :

« — Allez-vous toujours devant m’attendre à Lyon, avec la vaisselle. »


Ils restèrent trois jours à Essonne, d’abord pour attendre le coche, puis pour guérir les écorchures que la demoiselle s’était faites aux cuisses en courant à franc-étrier.

Passé Moulins, un homme qui était dans le coche et qui se disait gentilhomme, commença à dire ces paroles :

— N’y a-t-il pas une demoiselle vêtue en homme ?

À quoi La Corbinière répondit :