l’honneur d’être à notre image. » Et il ordonna qu’on traitât bien le pauvre fou, ne montrant toutefois aucune envie de le revoir.
II.
LE REFLET.
Durant plus d’un mois, la fièvre dompta chez Raoul la raison rebelle encore, et qui secouait parfois rudement ses illusions dorées. S’il demeurait assis dans sa chaise, le jour, à se rendre compte de sa triste identité, s’il parvenait à se reconnaître, à se comprendre, à se saisir, la nuit son existence réelle lui était enlevée par des songes extraordinaires, et il en subissait une tout autre, entièrement absurde et hyperbolique ; pareil à ce paysan bourguignon qui, pendant son sommeil, fut transporté dans le palais de son duc, et s’y réveilla entouré de soins et d’honneurs, comme s’il fût le prince lui-même. Toutes les nuits, Spifame était le véritable roi Henri II ; il siégeait au Louvre, il chevauchait devant les armées, tenait de grands conseils, ou présidait à des banquets splendides. Alors, quelquefois, il se rappelait un avocat du palais, seigneur Des Granges, pour lequel il ressentait une vive affection. L’aurore ne revenait pas sans que cet avocat n’eût obtenu quelque éclatant témoignage d’amitié et d’estime : tantôt le mortier du président, tantôt le sceau de l’État ou quelque cordon de ses ordres. Spifame avait la conviction que ses rêves étaient sa vie et que sa prison n’était qu’un rêve ; car on sait qu’il répétait souvent le soir : « Nous avons bien mal dormi cette nuit ; oh ! les fâcheux songes ! »