Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/106

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Depuis ce moment, Nicolas ne fut plus occupé que de Jeannette. Il la chercha des yeux tout le reste de la journée, et ne la revit qu’à l’encensement du Magnificat, quand tous ceux qui sont dans le chœur se tournent vers la nef. Le lendemain, l’impression était plus forte encore ; il se promit de se rendre digne d’elle par son application à l’étude ; de ce jour aussi, son esprit s’agrandit et s’arracha pour jamais aux frivoles préoccupations de l’enfance. Laissé seul un jour au presbytère dans la journée, parce que le curé et l’abbé Thomas étaient allés voir ensemencer le champ de la cure, il lui vint une idée singulière : ce fut de chercher dans les registres de la paroisse l’extrait de baptême de Jeannette, afin de savoir au juste son âge ; lui-même avait alors quinze ans, et il jugeait que Jeannette était plus âgée. Il allait en remontant depuis 1730, et ce fut pour lui une jouissance délicieuse de lire les lignes suivantes : « Le 19 décembre 1731 est née Jeanne Rousseau, fille légitime de Jean Rousseau et de Marguerite, etc. » Nicolas répéta vingt fois cette lecture, apprenant par cœur jusqu’aux noms des témoins et des officiants, et surtout cette date du 19 décembre qui devint un jour sacré pour lui. Une seule pensée triste résulta de cette connaissance, c’est que Jeannette avait trois ans de plus que lui, et qu’elle serait mariée peut-être avant qu’il pût prétendre à elle. Instruit