Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/110

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son cœur défaillir. Alors la bonne fille, qui avait un moment voulu redevenir sévère, le prit dans ses bras, lui jeta de l’eau à la figure et lui dit, lorsqu’il reprit connaissance. — Que vous est-il arrivé ?

— Je ne sais, dit Nicolas ; en parlant de Jeannette, en vous regardant, en vous embrassant, j’ai senti le cœur me manquer… Je ne pouvais m’empêcher de contempler votre cou si blanc où tombent vos cheveux dénoués ; votre œil mouillé de larmes m’attirait, Marguerite, comme une vipère qui regarde un oiseau ; l’oiseau sent le danger et ne peut le fuir…

— Mais si vous aimez Jeannette…, dit Marguerite d’un ton sérieux.

— Oh ! c’est vrai, je l’aime !… En disant ces mots, Nicolas fut pris d’une sorte de frisson et se sentit glacé. Le salut vint à sonner, et il se rendit à l’église. Là, quoi qu’il pût faire, l’aspect de Marguerite pleurant, agitée et le sein gonflé de soupirs, se représentait devant ses yeux et repoussait la chaste image de Jeannette. L’apparition de cette dernière à sa place habituelle ramena le calme dans les sens du jeune homme : jamais elle ne les avait troublés ; son pouvoir s’exerçait sur les plus nobles sentiments de l’âme, et lui donnait l’inspiration de toutes les vertus.

Marguerite n’était ni une coquette, ni une dévote hypocrite ; elle n’avait pour Nicolas qu’une bonté maternelle ; son cœur était sensible, elle avait aimé. C’est pourquoi un amour tout jeune, qui lui rappelait ses plus belles années, l’attendrissait outre mesure. Le pauvre Nicolas ignorait comme elle tout le danger qui existe dans ces confidences, dans ces effusions, où les sens participent avec moins de pureté à l’exaltation de l’âme. Un jour, en passant devant la maison de Mlle Rousseau, Nicolas l’avait