Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/123

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où Pamphile exprime son amour pour la belle esclave, donna l’idée à Mme Parangon de lui faire lire Zaïre, qu’elle avait vu représenter à Paris. Elle suivait des yeux le texte et indiquait de temps en temps les intonations usitées par les acteurs de la Comédie Française ; mais bientôt elle se prit à préférer tout-à-fait le débit naturel et simple du jeune homme : elle avait appuyé son bras sur le dossier de la chaise où il était assis, et ce bras, dont il sentait la douce chaleur sur son épaule, communiquait à sa voix le timbre sonore et tremblotant de l’émotion. Une visite vint interrompre cette situation que Nicolas prolongeait avec délices. C’était Mme Minon la procureuse, parente de Mme Parangon. « Je suis encore toute attendrie, dit cette dernière ; M. Nicolas me lisait Zaïre. — Il lit donc bien ? — Avec âme. — Oh ! tant mieux, s’écria Mme Minon en battant des mains… Il nous lira la Pucelle, qui est aussi de M. de Voltaire ! Ce sera bien amusant. » Nicolas dans son ignorance et Mme Parangon dans son ingénuité s’associèrent à ce projet, qui, du reste, ne se réalisa pas ; il suffit à la dame d’ouvrir le livre pour en apprécier la trop grande légèreté.

Cependant la moralité de Nicolas ne devait pas tarder à recevoir une atteinte plus grave. Il se trouvait seul un soir dans la salle du rez-de-chaussée, quand il vit entrer furtivement un homme aux habits en désordre, ou plutôt à moitié vêtu, qu’il reconnut pour un des cordeliers dont le couvent était voisin de l’imprimerie. Ce personnage qui se nommait Gaudet d’Arras, lui dit qu’il était poursuivi, qu’on l’avait attiré dans un piège, et que de plus, il ne pouvait rentrer au couvent par la porte ordinaire, attendu qu’on lui demanderait ce qu’il avait fait de sa robe. Une porte de l’imprimerie communiquait avec la cour du couvent ; c’était le moyen d’éviter tout scandale. Nicolas con-