Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/134

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dame, un peu renversée dans un fauteuil devant la cheminée, fermait de temps en temps les yeux ; Nicolas s’en apercevant, ne put s’empêcher de penser à l’image adorée et chaste qu’il avait entrevue la veille. Sa voix devint tremblante, sa prononciation sourde, puis il s’arrêta tout à fait.

— Mais je ne dors pas !… dit Mme  Parangon avec un timbre de voix délicieux ; d’ailleurs, même quand je dors, j’ai le sommeil très léger.

Nicolas frémit ; il essaya de reprendre sa lecture, mais son émotion était trop grande.

— Vous êtes fatigué, reprit la dame, arrêtez-vous. Je m’intéressais vivement à cette Léonora…

— Et moi, dit Nicolas, reprenant courage, j’aime mieux encore le caractère angélique de Mlle  de Ferval. Ah ! je le vois, toutes les femmes peuvent être aimées, mais il en est qui sont des déesses.

— Il en est surtout qu’il faut toujours respecter, dit Mme  Parangon. Puis, après un silence que Nicolas n’osa pas rompre, elle reprit d’un ton attendri :

— Nicolas, ce sera bientôt le temps de vous établir… N’avez-vous jamais pensé à vous marier ?

— Non, madame, dit froidement le jeune homme, et il s’arrêta, songeant qu’il proférait un odieux mensonge : l’image irritée de son premier amour se représentait à sa pensée ; mais Mme  Parangon, qui ne savait rien, continua : « Votre famille est honnête et alliée de la mienne, songez bien à ce que je vais vous dire. J’ai une sœur beaucoup plus jeune que moi…, qui me ressemble un peu. » Elle ajouta ces mots avec quelque embarras, mais avec un charmant sourire… « Eh bien ! monsieur Nicolas, si vous travaillez avec courage, c’est ma sœur que je vous destine. Que cet avenir soit pour vous un encou-