Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/27

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toujours adopté facilement les souverains belliqueux, et dans la race des Bourbons, Henri IV et Louis XIV ont répondu à cet esprit, quoique le dernier ait eu à se plaindre de « sa grandeur qui l’attachait au rivage ». Au besoin ces souverains se sauvaient par leurs vices. Leurs amours faisaient l’entretien des châteaux et des chaumières, et réalisaient de loin cet idéal galant et chevaleresque qui a toujours été le rêve généreux des Français.

Toutefois, il existait des provinces moins sujettes à l’admiration, et qui protestèrent toujours sous diverses formes, soit sous le voile des idées religieuses, soit sous la forme évidente des jacqueries, des ligues et des frondes.

La révocation de l’Édit de Nantes avait été le grand coup frappé contre les dernières résistances. Villars venait de triompher du soulèvement des Cévennes, et ceux des Camisards qui avaient échappé aux massacres s’en allaient par bandes rejoindre en Allemagne le million d’exilés qui avaient été contraints de porter à l’étranger les débris de leur fortune et les diverses industries où excellaient beaucoup des protestants.

On avait brûlé le Palatinat, leur principal refuge : « Ce sont là jeux de princes. » Le soleil du grand siècle pouvait encore se mirer à l’aise dans les bassins de Versailles ; mais il pâlissait sensiblement. Mme de Maintenon elle-même ne luttait plus contre le temps : elle s’appliquait seulement à infuser la dévotion dans l’âme d’un roi sceptique, qui lui répondait par des chiffres apportés chaque jour par Chamaillard :

« Trois milliards de dettes !… que peut faire à cela la Providence ? »

Louis XIV n’était pas un homme ordinaire ; on peut croire même qu’il aimait la France et voulait sa grandeur. Sa personnalité, doublée de l’esprit de famille, l’a perdu