Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/28

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à l’époque où l’âge affaiblissait ses forces, et où son entourage arrivait à dominer sa volonté.

Quelque temps après la perte de la bataille d’Hochstedt, qui nous enlevait cent lieues de pays dans les Flandres, Archambault de Bucquoy passait à Morchandgy, petit village de la Bourgogne, situé à deux lieues de Sens.

D’où venait-il ?… On ne le sait pas trop…

Où allait-il ? Nous le verrons plus tard…

Une roue de sa voiture s’étant cassée, le charron du village demandait une heure pour en poser une nouvelle. Le comte dit à son domestique : — Je ne vois que ce cabaret d’ouvert… Tu viendras m’avertir quand le charron aura fini.

— Monsieur le comte ferait mieux de rester dans la voiture, qu’on a étayée.

— Allons donc !… J’entre au cabaret, je suis sûr que je n’y trouverai que de bonnes gens…

Archambault de Bucquoy entra dans la cuisine et demanda de la soupe… Il voulait premièrement goûter le bouillon.

L’hôtesse se prêta à cette exigence. Mais Archambault l’ayant trouvé trop salé, dit :

— On voit bien que le sel est à bon marché ici.

— Pas trop, dit l’hôtesse.

— Je suppose que les faux-saulniers en ont amené ici l’abondance.

— Je ne connais pas ces gens-là… Du moins ils n’oseraient venir ici… Les troupes de Sa Majesté viennent de les défaire, et toutes leurs bandes ont été taillées en pièces, à l’exception d’une trentaine de charretiers, qui ont été menés, chargés de fers, dans les prisons.

— Ah ! dit Archambault de Bucquoy, voilà des pauvres diables bien attrapés… S’ils avaient eu un homme comme