Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/301

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sa fille, dont on craignait les derniers efforts et l’influence sur l’auditoire ; le plaidoyer du citoyen Julienne fit sentir en vain ce qu’avait de sacré cette victime échappée à la justice du peuple ; le tribunal paraissait obéir à une conviction inébranlable.

La plus étrange circonstance de ce procès fut le discours du président Lavau, ancien membre, comme Cazotte, de la société des illuminés.

« Faible jouet de la vieillesse ! dit-il, toi, dont le cœur ne fut pas assez grand pour sentir le prix d’une liberté sainte, mais qui as prouvé, par ta sécurité dans les débats, que tu savais sacrifier jusqu’à ton existence pour le soutien de ton opinion, écoute les dernières paroles de tes juges ! puissent-elles verser dans ton âme le baume précieux des consolations ! puissent-elles, en te déterminant à plaindre le sort de ceux qui viennent de te condamner, t’inspirer cette stoïcité qui doit présider à tes derniers instants, et te pénétrer du respect que la loi nous impose à nous-mêmes !… Tes pairs t’ont entendu, tes pairs t’ont condamné ; mais au moins, leur jugement fut pur comme leur conscience ; au moins, aucun intérêt personnel ne vint troubler leur décision. Va, reprends ton courage, rassemble tes forces ; envisage sans crainte le trépas ; songe qu’il n’a pas droit de t’étonner : ce n’est pas un instant qui doit effrayer un homme tel que toi. Mais, avant de te séparer de la vie, regarde l’attitude imposante de la France, dans le sein de laquelle tu ne craignais pas d’appeler à grands cris l’ennemi ; vois ton ancienne patrie opposer aux attaques de ses vils détracteurs autant de courage que tu lui as supposé de lâcheté. Si la loi eût pu prévoir qu’elle aurait à prononcer contre un coupable de ta sorte, par considération pour tes vieux ans, elle ne t’eût pas imposé d’autre peine ; mais rassure-