Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/302

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toi ; si elle est elle sévère quand elle poursuit, quand elle a prononcé, la glaive tombe bientôt de ses mains ; elle gémit sur la perte même de ceux qui voulaient la déchirer. Regarde-la verser des larmes sur ces cheveux blancs qu’elle a cru devoir respecter jusqu’au moment de ta condamnation ; que ce spectacle porte en toi le repentir ; qu’il t’engage, vieillard malheureux, à profiter du moment qui te sépare encore de la mort, pour effacer jusqu’aux moindres traces de tes complots, par un regret justement senti ! Encore un mot : tu fus homme, chrétien, philosophe, initié, sache mourir en homme, sache mourir en chrétien ; c’est tout ce que ton pays peut encore attendre de toi. »

Ce discours, dont le fond inusité et mystérieux frappa de stupeur l’assemblée, ne fit aucune impression sur Cazotte, qui, au passage où le président tentait de recourir à la persuasion, leva les yeux au ciel et fit un signe d’inébranlable foi dans ses convictions. Il dit ensuite à ceux qui l’entouraient « qu’il savait qu’il méritait la mort ; que la loi était sévère, mais qu’il la trouvait juste.[1] » Lorsqu’on lui coupa les cheveux, il recommanda de les couper le plus près possible, et chargea son confesseur de les remettre à sa fille, encore consignée dans une des chambres de la prison.

Avant de marcher au supplice, il écrivit quelques mots à sa femme et à ses enfants ; puis, monté sur l’échafaud, il s’écria d’une voix très haute : « Je meurs comme j’ai vécu, fidèle à Dieu et à mon roi. » L’exécution eut lieu le 25 septembre, à sept heures du soir, sur la place du Carrousel.

  1. M. Scévole Cazotte nous écrit pour protester contre cette phrase qui fait partie d’un récit du temps. Il affirme que son père n’a pu prononcer de telles paroles.