Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/326

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Qu’importent les tombes brisées et les ossements outragés de Saint-Denis ! La haine leur rendait hommage ; — l’homme indifférent d’aujourd’hui les a replacées par amour de l’art et de la symétrie, comme il eût rangé les momies d’un musée égyptien.

Mais est-il un culte qui, triomphant des efforts de l’impiété, n’ait plutôt encore à redouter l’indifférence ?

Quel est le catholique qui ne supporterait la folle bacchanale de Newstead-Abbey, et les compagnons d’orgie de Noël Byron parodiant le plain-chant sur des vers de chansons à boire, — affublés de robes monastiques et buvant le claret dans des crânes, — plus volontiers que de voir l’antique abbaye devenir fabrique ou théâtre ? — Le ricanement de Byron appartient encore au sentiment religieux, comme l’impiété matérialiste de Shelley. Mais qui donc aujourd’hui daignerait être impie ? On n’y songe point !

Encore un regard dans cette basilique fraîchement restaurée, dont l’aspect a provoqué ces réflexions. Sous les arceaux gothiques des bas-côtés, l’on ne peut se lasser d’admirer les monuments des Médicis. — Anges et saints ! ne frémissiez-vous pas dans les plis roides de vos robes et de vos dalmatiques en voyant croître et fleurir, sous vos tutélaires ogives, ces pompes d’art païen qu’on décore du nom de Renaissance ? Quoi ! le cintre romain, la colonne de marbre aux acanthes de bronze, le bas-relief étalant ses nudités voluptueuses et son dessin correct, — au pied de vos longues figures hiératiques que l’ironie accueille désormais ! Rien n’est donc plus vrai que ce que disait un moine prophète de l’époque : « Je te vois entrer nue dans la demeure sainte et poser un pied triomphant sur l’autel, impudique Vénus ! »

Ces trois Vertus sont assurément les trois Grâces, ces