Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/327

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anges sont les deux amours Éros et Antéros, — cette femme si belle, qui repose à demi nue sur un lit exhaussé dont elle a rejeté les voiles, n’est-ce pas Cythérée elle-même ? et ce jeune homme, qui près d’elle semble dormir d’un sommeil plus profond, n’est-il pas l’Adonis des mystères de Syrie ?

Elle repose affaissée dans sa douleur, sa taille se cambre avec cette volupté dont elle ne peut oublier l’attitude, ses seins se dressent avec orgueil, sa figure sourit encore, et cependant près d’elle le chasseur meurtri dort d’un sommeil de marbre où ses membres se sont roidis.

Écoutons la légende que répète à tous l’homme de l’Église : « Voici la tombe de Catherine de Médicis. Elle a voulu de son vivant se faire représenter endormie dans le même lit que son époux Henri deuxième, mort d’un coup de lance de Montgomméry. »

Qu’elle est noble et séduisante cette reine aux cheveux épars, — belle comme Vénus, et fidèle comme Arthémise, — et qu’elle eût bien fait de ne pas se réveiller de ce gracieux sommeil ! elle était encore si jeune, si aimante et si pure. Mais elle frappait déjà la religion sans le vouloir, — comme plus tard, au jour de saint Barthélemy.

Oui, l’art de la renaissance avait porté un coup mortel à l’ancien dogme et à la sainte austérité de l’Église avant que la révolution française en balayât les débris. L’allégorie succédant au mythe primitif en a fait de même jadis des anciennes religions… Il finit toujours par se trouver un Lucien qui écrit les dialogues des dieux, — et plus tard, un Voltaire, qui raille les dieux et Dieu lui-même.

S’il était vrai, selon l’expression d’un philosophe moderne, que la religion chrétienne n’eût guère plus d’un siècle à vivre encore, — ne faudrait-il pas s’attacher avec larmes et avec prières aux pieds sanglants de ce Christ