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Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/40

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L’abbé de Bucquoy fut mis dans une tour avec un Anglais fait prisonnier dans l’expédition de Ham. Le porte-clef qui faisait leur cuisine, permettait à l’abbé, qui toujours feignait d’être malade, comme il avait fait au For l’Éveque, de prendre l’air le soir au sommet de la tour où il était enfermé. Cet homme avait un accent bourguignon, que l’abbé reconnut pour l’avoir entendu près de Sens.

Un soir, ce porte-clé lui dit : « Monsieur l’abbé, il fera beau ce soir sur le donjon à voir les étoiles. »

L’abbé le regarda, mais ne vit qu’une figure indifférente.

Sur le donjon, il faisait du brouillard.

L’abbé redescendit et trouva ouverte la porte du mur de ronde. Une sentinelle le parcourait à pas égaux. Il se retirait, lorsque le soldat, passant près de lui, dit à voix basse : « L’abbé… il fait bien beau ce soir… Promenez-vous ici un peu : qui est-ce qui vous apercevrait dans le brouillard ? »

L’abbé de Bucquoy ne vit là que la complaisance d’un brave militaire qui suspend la consigne en faveur d’un pauvre prisonnier.

Au bout de la terrasse il sentit une corde, et sa main en la soulevant trouva un crochet et des nœuds.

La sentinelle avait le dos tourné, l’abbé, qui savait tous les exercices, descendit en s’aidant de la sellette à la manière des peintres en bâtiment.

Il se trouva dans le fossé, qui était à sec et plein d’herbes. Le mur du dehors était trop haut pour qu’il pût songer à remonter. Seulement, en cherchant quelque point dégradé qui permît l’ascension, il se trouva près d’une ouverture d’égout dont les gravois semés çà et là, et les pierres fraîchement taillées indiquaient qu’on était en train de le réparer.