Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/52

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peler leur jeunesse. Faute de jeunes filles, que ne pouvait fournir la maison, on avait fait habiller en femmes les plus jeunes élèves, et les chœurs et ballets étaient exécutés par les sujets de l’Opéra. Le succès fut tel, que le roi, ébloui, charmé, permit aux révérends pères d’inscrire son nom sur la porte de leur maison. Elle portait cette inscription : Collegium claro montanum societatis Jesu ; on remplaça ces mots par ceux-ci : Collegium Ludovici magni. — Le jeune homme dont nous parlons inscrivit sur le mur un distique dans lequel il fit remarquer que le nom de Jésus avait été remplacé par celui de Louis-le-Grand… C’est ce crime qu’il expie encore ici.

— Mais, dit l’abbé de Bucquoy, il nous est impossible de nous plaindre beaucoup des rigueurs de cette prison d’État. J’ai souffert un peu dans le cachot… mais maintenant, sous cette tonnelle, appréciant la chaleur d’un vin de Bourgogne assez généreux, je me sens disposé à prendre patience.

— Je prends patience depuis quatre ans, dit Renneville ; et si je vous racontais ce qui m’est arrivé…

— Je veux savoir ce qu’on a pu faire contre un homme coupable d’un madrigal.

— Je ne me plaindrais de rien si je n’avais laissé mon épouse en Hollande… Mais passons. Arrêté à Versailles, je fus conduit en chaise à Paris. En passant devant la Samaritaine, je tirai ma montre et je constatai par la comparaison qu’il était huit heures du matin. L’exempt me dit : « Votre montre va bien. » Cet homme ne manquait pas d’une certaine instruction : « Il est fâcheux, me dit-il, que je me sois vu forcé de vous arrêter, et cela est entièrement contre mon inclination… Mais il fallait remplir les derniers devoirs de la place que j’occupais avant de devenir ce que je suis dès à présent, c’est-à-dire écuyer