Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/95

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corruption ; ses plans de réforme sont longuement décrits dans des livres intitulés : l’Anthropographe, le Gynographe, le Pornographe, etc., qui prouveraient que les penseurs modernes n’ont rien inventé sur ces matières. On retrouve, du reste, les mêmes idées mises en action dans la plupart de ses romans. Le second volume des Contemporaines contient tout un système de banque d’échange pratiqué par des travailleurs et des commerçants, qui, habitant la même rue, établissent entre eux une communauté déjà phalanstérienne.

Revenons avant tout à la biographie personnelle de ce singulier esprit ; il en a semé des fragments dans une foule d’ouvrages où il s’est peint sous des noms supposés, dont plus tard il a donné la clé. Dans une série de pièces et de scènes dialoguées qu’il intitule le Drame de la Vie, il a eu l’idée bizarre de représenter, comme dans une lanterne magique, les scènes principales de son existence ; cela commence aux premiers jeux de sa jeunesse, et cela se termine après les massacres du 2 septembre, qu’il déplore amèrement.

Un autre livre, le Cœur humain dévoilé, décrit avec minutie toutes les impressions de cette vie si laborieuse et si tourmentée. Avant Restif, cinq hommes seulement avait formé le projet hardi de se peindre, saint Augustin, Montaigne, le cardinal de Retz, Jérôme Cardan et Rousseau. Encore n’y a-t-il que les deux derniers qui aient fait le sacrifice complet de leur amour-propre ; Restif est allé plus loin peut-être. « À soixante ans, dit-il, écrasé de dettes, accablé d’infirmités, je me vois forcé de livrer mon moral pour subsister quelques jours de plus, comme l’Anglais qui vend son corps. »

En lisant ce premier aveu, qui n’a pas dû être une de ses moindres souffrances, on se sent pris de pitié pour