rait avec cette somme une petite rente viagère qui, avec le peu que je lui laisserai, pourrait plus tard la faire vivre honorablement…
Nicolas secoua la tête ; la mère le pressa encore en raison de l’amitié qu’il avait pour sa fille, et lui proposa même de le faire dîner avec M. de Vesgon, afin qu’il pût s’assurer de la pureté des intentions de ce vieillard.
Nicolas se sentit blessé au cœur et ne put dormir de la nuit. Le lendemain matin, Sara monta chez lui comme à l’ordinaire. Il aborda franchement la question des vingt mille francs, et demanda à la jeune fille si elle croyait pouvoir les accepter sans compromettre sa réputation. Sara baissa les yeux, rougit beaucoup, s’assit sur les genoux de Nicolas et se mit à pleurer. Nicolas la pressa de répondre.
— Ah ! si j’osais parler ! s’écria-t-elle entre deux soupirs.
— Confie-moi tes peines, ma charmante enfant.
— Si vous saviez combien je suis malheureuse !
— Malheureuse ! Pourquoi et depuis quand ?
— Je l’ai toujours été… J’ai une mère…
— Je la connais.
Sara paraissait faire un violent effort pour parler.
— Ma mère, dit-elle enfin, a fait mourir ma sœur de chagrin. Moi, dans ce temps-là, je n’étais qu’une enfant folle, étourdie et riant toujours… J’ai bien changé depuis ! Aujourd’hui encore, ma mère me fait trembler ; rien qu’à l’entendre marcher, je frissonne de peur !
Et elle lui fit l’histoire d’une époque où elle demeurait avec sa mère dans une petite rue du Marais, chez un menuisier. C’étaient souvent de nouvelles figures qui se succédaient dans l’amitié de la veuve, et la petite fille était reléguée presque toujours dans un grenier, souffrant du froid, de la faim même… Quand elle criait trop fort, sa mère arrivait furieuse, la pinçait, lui tordait les mains ou lui laissait le visage ensanglanté. Un soir, un homme osa monter jusqu’à ce réduit… et…
— Pauvre enfant ! s’écria Nicolas.