— Ah ! mon ami ! ah ! mon père ! reprit Sara en se jetant tout en larmes dans les bras de l’écrivain, j’ai juré depuis longtemps que jamais je ne consentirais à me marier… et que dans tous les cas, je n’épouserais jamais un jeune homme…
Nicolas la regarda avec attendrissement.
— Un jeune homme ! Et cependant, ce jeune Delarbre qui venait ici il y a quelques mois… si souvent ?
— Celui-là, dit Sara en soupirant, oh ! celui-là, je puis bien l’avouer, je l’aimais… autant du moins que l’on peut aimer à l’âge où j’étais ; mais il ne viendra plus… Je lui ai tout dit !
Nicolas pencha la tête dans sa main, réfléchit un instant, puis s’écria rempli de pitié :
— Et il t’a quittée ! Il n’a pas compris que la pureté de ton âme… rachetait mille fois, pauvre victime, l’infâme lâcheté commise envers toi !
En s’arrêtant sur cette idée, Nicolas pensa involontairement à Mme Parangon. Cette fatalité de sa vie revenait encore une fois, sous une forme nouvelle, retourner un fer vengeur dans son éternelle blessure. Il se leva, parcourut la chambre avec des gestes désespérés. Sara, qui ne comprenait pas toutes les causes d’une douleur si vive, courut à lui, le fit rasseoir, et, tâchant de sourire à travers ses larmes, lui dit en l’embrassant :
— Eh ! pourquoi tant me plaindre ? Pourquoi tant de désespoir ? Cela empêchera-t-il l’amitié la plus tendre de durer entre nous, mon protecteur, mon guide ! Pensez-y donc ; je ne suis pas coupable, hélas ! et vous n’aurez rien à me pardonner… Ensuite, si Delarbre ne m’avait pas quittée, est-ce que je serais ici, avec vous… dans vos bras… causant, pleurant… riant ?…
Elle s’était assise de nouveau sur ses genoux, et passait le bras autour de son cou, ce bras de juive déjà parfait, bien qu’elle n’eût que quinze ans, cette petite main effilée dont les doigts roses traversaient les boucles encore bien fournies de la chevelure de Nicolas.