Le calme rentrait peu à peu dans le cœur de l’écrivain ; l’agitation nerveuse se calmait ; Nicolas reposait ses yeux avec charme sur les traits si réguliers de la pauvre enfant ; il ne put retenir un aveu, longtemps arrêté sur ses lèvres :
— Qu’avez-vous ? lui dit Sara en le voyant un instant rêveur.
— Je pense à toi, dit-il, charmante enfant ! Il faut te le dire enfin, depuis longtemps je t’aime… et je te fuyais toujours, effrayé de ta jeunesse et de ta beauté !
— Toujours, jusqu’au matin où je suis venue te voir moi-même !
— Que voulais-tu que je t’offrisse ? Un cœur flétri par la douleur… et par les regrets !
— Que regrettes-tu, maintenant ? Ton cœur n’est-il point calmé ?
— Il bat plus que jamais ; tiens ! touche ma poitrine.
— Ah ! c’est qu’il y a là sans doute…
— Eh ! quoi donc ?
— De l’amour !… dit faiblement Sara.
Nicolas revint à lui-même ; sa philosophie d’écrivain lui rendit un instant de force.
— Non, dit-il gravement ; je n’ai pour toi, mon enfant, qu’une sincère et constante amitié.
— Et moi, si j’avais de l’amour ?
— Il cesserait trop tôt.
Sara baissa les yeux.
— Il y a un an, reprit Nicolas, j’avais encore une fois cédé au charme…
— Et pour qui ? dit Sara levant vivement la tête.
— Pour une image que je me créais en moi-même, pour une chimère, fugitive comme un rêve, et que je ne songeais même pas à réaliser, pour une de ces impossibilités que j’ai poursuivies toute ma vie, et que je ne sais quel destin a quelquefois rendues possibles.
— Mais quelle était cette image ? Quel était ce rêve ?