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regret, qui se retrouvent, en effet, dans tous les livres de l’écrivain, — elle les avait amèrement méditées.

— Je crois, dit-elle enfin, que vous étiez en effet le seul époux que le ciel m’eût destiné ; aussi je n’en ai pas voulu d’autre. Puisque nous ne pouvons plus nous marier pour être heureux, épousons-nous pour mourir ensemble.[1]

Si l’on en croit l’auteur lui-même, qui a répété dans trois ouvrages différents la scène que nous venons de décrire, le mariage se serait accompli devant un curé, et en secret, à cause de l’époque, — ce qui indiquerait, ou une exigence de sa dernière épouse, ou un retour tardif aux idées chrétiennes.

XV

LE PREMIER ROMAN DE RESTIF

L’intérêt des mémoires, des confessions, des autobiographies, des voyages même, tient à ce que la vie de chaque homme devient ainsi un miroir où chacun peut s’étudier, dans une partie du moins de ses qualités ou de défauts. C’est pourquoi, dans ce cas, la personnalité n’a rien de choquant, pourvu que l’écrivain ne se drape pas plus qu’il ne convient dans le manteau de la gloire ou dans les haillons du vice. Chez saint Augustin, la confession est sincère. Elle ressemble à celle que les anciens chrétiens faisaient à la porte d’une église devant leurs frères assemblés, pour obtenir l’absolution de certaines fautes qui leur fermaient l’entrée du saint lieu. Chez le bon Laurent Sterne, cela devient une sorte de confidence bienveillante et presque ironique, qui semble dire au lecteur : « Vaux-tu mieux que moi ? » Rousseau mêle ces deux sentiments si distincts, et les a fondus avec la flamme de la passion

  1. Le Drame de la Vie, 5e volume, page 1254. (L’auteur suivait la pagination dans tous les volumes du même ouvrage.)