serait permis de dédier un roman à une jeune personne aussi belle et d’une classe de citoyens qui doit rester dans une honorable obscurité !… » L’ouvrage fut vendu à la veuve Duchesne quinze livres la feuille, ce qui fit plus de sept cents francs. Jamais Restif n’avait eu dans les mains une si forte somme. Il quitta dès lors fort imprudemment sa place de prote : l’axe de sa vie était changé désormais.
Quant à Rose Bourgeois, il ne la revit plus ; mais il aurait manqué quelque chose à l’aventure, si le hasard n’y avait ajouté un dernier élément romanesque pour couronner ceux que la volonté de Restif avait créés. Les deux sœurs étaient petites filles d’une nommée Rose Pombelins dont le père de Restif avait été amoureux. Supposez ce père moins vertueux qu’il ne l’était en réalité, et voilà tout un drame de famille d’où peut sortir un dénouement terrible… En fait de combinaisons étranges on n’en demanderait pas plus, même aujourd’hui.
XVI
LES ROMANS PHILOSOPHIQUES DE RESTIF
La vie littéraire de Restif ne commence réellement qu’en l’année 1766. Nous avons vu que sa jeunesse s’était partagée entre l’amour et le travail peu lucratif d’ouvrier compositeur. En commençant à raconter dans ses Mémoires la phase nouvelle qui s’ouvrait dans son existence, il s’écrie : « Je termine ici l’époque honteuse de ma vie, celle de ma nullité, de ma misère et de mon avilissement. » Il attribue le peu de succès de la Famille vertueuse à l’audace de l’orthographe, entièrement conforme à la prononciation et réglée par un système qu’il modifia plusieurs fois depuis.
Lucile ou les Progrès de la vertu, qui parut peu de temps après, est le récit des escapades de Mlle Cadette Forterre, fille d’un commissionnaire en vins et l’une des plus charmantes Auxerroises dont Nicolas ait jamais rêvé. Il signa ce livre un