Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fraiche, brillante, éclose à peine,
Tout paraissait induire à la cueillir :
Il vous semblait,
Las ! qu’elle répandait
La plus aimable odeur.
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j’ai grand’peur !

J’en veux orner ma chevelure
Pour ajouter plus d’éclat à mon teint ;
Je ne sais quoi contre nature
Me repoussait quand j’y portais la main.
Mon cœur battait
Et en battant disait :
« Le diable est sous la fleur !… »
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j’ai grand’peur !


Cette rose, enchantée par le diable, livre la belle aux mauvais desseins de l’aumônier. Mais bientôt, reprenant ses sens, elle le menace de le dénoncer à son père, et le malheureux la fait taire d’un coup de poignard. Cependant, on entend de loin la voix du comte qui cherche sa fille. Le diable alors s’approche du coupable sous la forme d’un bouc et lui dit :

— Monte, mon cher ami ; ne crains rien, mon fidèle serviteur.


Il monte, et, sans qu’il s’en étonne,
Il sent sous lui le diable détaler ;
Sur son chemin l’air s’empoisonne,
Et le terrain sous lui semble brûler.
En un instant
Il le plonge vivant
Au séjour de douleur !
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j’ai grand’peur !


Le dénoûment de l’aventure est que sire Enguerrand, témoin de cette scène infernale, fait par hasard un signe de croix, ce qui dissipe l’apparition. Quant à la moralité, elle se borne à engager les femmes à se défier de leur vanité, et les hommes à se défier du diable.