Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/183

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Cette imitation des vieilles légendes catholiques, qui serait tort dédaignée aujourd’hui, était alors d’un effet assez neuf en littérature ; nos écrivains avaient longtemps obéi à ce précepte de Boileau, qui dit que la foi des chrétiens ne doit pas emprunter d’ornements à la poésie ; et, en effet, toute religion qui tombe dans le domaine des poëtes se dénature bientôt, et perd son pouvoir sur les âmes. Mais Cazotte, plus superstitieux que croyant, se préoccupait fort peu d’orthodoxie. D’ailleurs, le petit poëme dont nous venons de parler n’avait nulle prétention, et ne peut nous servir qu’à signaler les premières tendances de l’auteur du Diable amoureux vers une sorte de poésie fantastique, devenue vulgaire après lui.

On prétend que cette romance fut composée par Cazotte pour Madame Poissonnier, son amie d’enfance, nourrice du duc de Bourgogne, et qui lui avait demandé des chansons qu’elle pût chanter pour endormir l’enfant royal. Sans doute, il aurait pu choisir quelque sujet moins triste et moins chargé de visions mortuaires ; mais on verra que cet écrivain avait la triste destinée de pressentir tous les malheurs.

Une autre romance du même temps, intitulée les Prouesses inimitables d’Ollivier, marquis d’Édesse, obtint aussi une grande vogue. C’est une imitation des anciens fabliaux chevaleresques, traitée encore dans le style populaire.

La fille du comte de Tours,
Hélas ! des maux d’enfant l’ont pris ;
Le comte, qui sait ses amours,
Sa fureur ne peut retenir :
— Qu’on cherche mon page Ollivier,
Qu’on le mette en quatre quartiers…
— Commère, il faut chauffer le lit ;
N’entends-tu pas sonner minuit ?


Plus de trente couplets sont consacrés ensuite aux exploits du page Ollivier, qui, poursuivi par le comte sur terre et sur mer, lui sauve la vie plusieurs fois, lui disant à chaque rencontre :