Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épreuves qui m’enhardiront à vous confier des secrets dont dépend à jamais le bonheur de votre vie. Vous allez vous diviser en six groupes ; chaque couleur doit se mettre ensemble et se rendre à l’un des six appartements qui correspondent à ce temple. Celles qui auront succombé ne doivent y entrer jamais, la palme de la victoire attend celles qui triompheront.

Chaque groupe passa dans une salle proprement meublée où bientôt arriva une foule de cavaliers. Les uns commencèrent par des persiflages et demandèrent comment les femmes raisonnables pouvaient prendre confiance aux propos d’une aventurière, et ils appuyaient fortement sur le danger d’un ridicule public… Les autres se plaignaient de voir qu’on sacrifiât l’amour et l’amitié à d’antiques extravagances, sans utilité comme sans agrément.

À peine daignaient-elles écouter ces froides plaisanteries. Dans une chambre voisine, on voyait, dans des tableaux peints par les plus grands maîtres, Hercule filant aux pieds d’Omphale, Renaud étendu près d’Armide, Marc-Antoine servant Cléopâtre, la belle Agnès commandant à la cour de Charles VII, Catherine II que des hommes portaient sur des trophées. Un de ceux qui les accompagnaient dit :

— Voilà donc ce sexe qui traite le vôtre en esclave ! Pour qui sont les douceurs et les attentions de la société ? Est-ce vous nuire que de vous éviter des ennuis, des embarras ? Si nous bâtissons des palais, n’est-ce pas pour vous en consacrer la plus belle partie ? N’aimons-nous pas à parer nos idoles ? Adoptons-nous les mœurs des Asiatiques ? Un voile jaloux dérobe-t-il vos charmes ? et loin de fermer les avenues de vos appartements par des eunuques repoussants, combien de fois avons-nous la complaisante adresse de nous éclipser pour laisser à la coquetterie le champ libre ?

C’était un homme aimable et modeste qui tenait ce discours.

— Toute votre éloquence, répondit l’une d’entre elles, ne détruira pas les grilles humiliantes des couvents, les compagnes que