Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/250

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liste de Shelley. Mais qui donc aujourd’hui daignerait être impie ? On n’y songe point !

Encore un regard dans cette basilique fraîchement restaurée, dont l’aspect a provoqué ces réflexions. Sous les arceaux gothiques des bas-côtés, l’on ne peut se lasser d’admirer les monuments des Médicis. Anges et saints ! ne frémissiez-vous pas dans les plis roides de vos robes et de vos dalmatiques en voyant croître et fleurir, sous vos tutélaires ogives, ces pompes d’art païen qu’on décore du nom de renaissance ? Quoi ! le cintre roman, la colonne de marbre aux acanthes de bronze, le bas-relief étalant ses nudités voluptueuses et son dessin correct, au pied de vos longues figures hiératiques que l’ironie accueille désormais ! Rien n’est donc plus vrai que ce que disait un moine prophète de l’époque : « Je te vois entrer nue dans la demeure sainte et poser un pied triomphant sur l’autel, impudique Vénus ! »

Ces trois Vertus sont assurément les trois Grâces, ces anges sont les deux amours Éros et Antéros ; cette femme si belle, qui repose à demi nue sur un lit exhaussé dont elle a rejeté les voiles, n’est-ce pas Cythérée elle-même ? et ce jeune homme, qui près d’elle semble dormir d’un sommeil plus profond, n’est-il pas l’Adonis des mystères de Syrie ?

Elle repose affaissée dans sa douleur ; sa taille se cambre avec cette volupté dont elle ne peut oublier l’attitude, ses seins se dressent avec orgueil, sa figure sourit encore, et cependant près d’elle le chasseur meurtri dort d’un sommeil de marbre où ses membres se sont roidis.

Écoutons la légende que répète à tous l’homme de l’Église : « Voici la tombe de Catherine de Médicis. Elle a voulu de son vivant se faire représenter endormie dans le même lit que son époux Henri deuxième, mort d’un coup de lance de Montgomméry. »

Qu’elle est noble et séduisante cette reine aux cheveux épars, belle comme Vénus, et fidèle comme Arthémise, et qu’elle eût bien fait de ne pas se réveiller de ce gracieux som-