Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/285

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relli, médecin napolitain, dans son livre De motu animalium, soutint, anatomiquement, que les mouvements complexes, nécessités par le saut, par la course, attestent dans l’homme assez de puissance musculaire pour qu’il puisse s’élever comme les oiseaux.

Là n’était pas la véritable théorie de la locomotion aérienne. Un certain de Gusman, physicien portugais, la découvrit et même l’appliqua. Dans une expérience publique, faite à Lisbonne, en 1736, en présence du roi Jean V, il s’éleva dans un panier d’osier recouvert de papier. Un brasier était allumé sous la machine ; mais, arrivée à la hauteur des toits, elle se heurta contre la corniche du palais royal, se brisa et tomba. Toutefois, la chute eut lieu assez doucement pour que Gusman demeurât sain et sauf. Les spectateurs, enthousiasmés, lui décernèrent le titre de ovoador (l’homme volant). Encouragé par un demi-succès, il s’apprêtait à réitérer l’épreuve lorsque l’inquisition le lit arrêter comme sorcier. Le malheureux aéronaute fut jeté dans un in pace, d’où il serait sorti pour monter sur le bûcher sans l’intervention toute-puissante du roi. Il a toujours été confondu avec le père Barthélemy Lourenço, dont l’invention, complètement impraticable, avait cependant obtenu du roi de Portugal une pension de 3750 livres.

De ce précurseur à Montgolfier, on ne trouve que de ridicules essais, qui eurent cependant plus de retentissement que celui du pauvre moine de Lisbonne. Un dominicain d’Avignon, Joseph Galien, donna, en 1757, l’Art de naviguer dans les airs. Il suppose que l’air se partage en deux couches superposées, de plus en plus légères, à mesure qu’on s’éloigne de la terre. « Or, dit-il, un bateau se maintient sur l’eau, parce qu’il est plein d’air, et que l’air est plus léger que l’eau ; supposons donc qu’il y ait la même différence de poids entre les couches supérieures de l’air et les inférieures qu’entre l’air et l’eau ; supposons aussi un bateau qui aurait sa quille dans l’air inférieur, et ses fonds dans une autre couche plus légère, il arrivera à ce bateau la même chose qu’à celui qui plonge dans l’eau. »