me regardait continuellement. Tous les jours ensuivants se passèrent avec de grands soins qu’il prenait de s’ajuster bien pour me plaire. Il est vrai aussi qu’il était fort aimable, et que ses actions ne procédaient pas du lieu d’où il était sorti, car il avait le cœur très-haut et très-courageux. »
Ce jeune homme, comme nous l’apprend le récit d’un père célestin, cousin d’Angélique, se nommait La Corbinière et n’était autre que le fils d’un charcutier de Clermont-sur-Oise, engagé au service du comte d’Haraucourt. Il est vrai que le comte, maréchal des camps et armées du roi, avait monté sa maison sur un pied militaire, et, chez lui, les serviteurs, portant moustaches et éperons, n’avaient pour livrée que l’uniforme. Ceci explique jusqu’à un certain point l’illusion d’Angélique.
Elle vit avec chagrin partir La Corbinière, qui s’en allait, à la suite de son maître, retrouver, à Charleville, monseigneur de Longueville, malade d’une dyssenterie. Triste maladie, pensait naïvement la jeune fille, triste maladie, qui l’empêchait de voir celui « dont l’affection ne lui déplaisait pas. » Elle le revit plus tard à Verneuil. Cette rencontre se fit à l’église. Le jeune homme avait gagné de belles manières à la cour du duc de Longueville. Il était vêtu de drap d’Espagne gris de perle, avec un collet de point coupé et un chapeau gris orné de plumes gris de perle et jaunes. Il s’approcha d’elle un moment sans que personne le remarquât et lui dit :
— Prenez, madame, ces bracelets de senteur que j’ai apportés de Charleville, où il m’a grandement ennuyé.
La Corbinière reprit ses fonctions au château. Il feignait toujours d’aimer la chambrière Beauregard, et lui faisait accroire qu’il ne venait chez sa maîtresse que pour elle.
- ↑ Avis à la poste. — Cette lettre, mise à la poste de Senlis à dix heures du soir, n’est arrivée au National qu’aujourd’hui à sept heures du soir.