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LETTRE ONZIÈME


Réflexions. — Souvenirs de la Ligue. — Les Sylvanectes et les Francs.


Senlis.

Malgré les digressions qui sont naturelles à ma façon d’écrire, je n’abandonne jamais mon idée, et, quoi qu’on puisse penser, l’abbé Bucquoy finira par se retrouver…

Revenu à Senlis, je me demande seulement pourquoi la poste a mis vingt et une heures, il y a huit jours, pour transmettre à Paris une lettre jetée par moi-même dans la boîte le jour de la Toussaint, à dix heures du soir. Il y a d’abord un départ à minuit ; puis les lettres partent encore à sept heures du matin… Je m’y perds !

Serais-je encore suspect à Senlis[1] ?… Mais le gendarme est devenu mon ami ! Je me suis fait encore recommander à un substitut de la ville, qui s’occupe accessoirement de science et d’histoire. Je connais des substituts que j’estime fort, comme je fais de tous les hommes qui veulent bien oublier un instant leurs opinions, leur position, ou leurs intérêts, pour devenir ce qu’ils peuvent être au fond, des hommes aimables.

J’ai vu, en me promenant, sur une affiche bleue une représentation de Charles VII annoncée, par Beauvallet et mademoiselle Rimblot. Le spectacle était bien choisi. Dans ce pays-ci, on aime le souvenir des princes du moyen âge et de la renaissance, qui ont créé les cathédrales merveilleuses que nous y voyons, et de magnifiques châteaux, — moins épargnés cependant par le temps et les guerres civiles. — Les gens ignorent ici pourquoi ils aiment peu les Bourbons, avec un

  1. Cette lettre, mise à la poste à onze heures du soir, est encore arrivée le lendemain à sept heures de l’après-midi. Il n’y a donc eu rien de particulier cette fois ni l’autre, que la lenteur de la poste pour un trajet de cinquante kilomètres où les diligences mettent quatre heures.