Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/390

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La nature inconstante de nos pays froids. En Orient, les bois sont toujours verts ; chaque arbre a sa saison de mue ; mais cette saison varie selon la nature de l’arbre. C’est ainsi que j’ai vu, au Caire, les sycomores perdre leurs feuilles en été. En revanche, ils étaient verts au mois de janvier.

Les allées qui entourent Senlis et qui remplacent les antiques fortifications romaines, restaurées plus tard, par suite du long séjour des rois carlovingiens, n’offrent plus aux regards que des feuilles rouillées d’ormes et de tilleuls. Cependant, la vue est encore belle, aux alentours, par un beau coucher de soleil. Les forêts de Chantilly, de Compiègne et d’Ermenonville ; les bois de Châalis et de Pont-Armé se dessinent avec leurs masses rougeâtres sur le vert clair des prairies qui les séparent. Des châteaux lointains élèvent encore leurs tours, — solidement bâties en pierres de Senlis, et qui, généralement, ne servent plus que de pigeonniers.

Les clochers aigus, hérissés de saillies régulières, qu’on appelle dans le pays des ossements (je ne sais pourquoi), retentissent encore de ce bruit de cloches qui portait une douce mélancolie dans l’âme de Rousseau…

Accomplissons le pèlerinage que nous nous sommes promis de faire, non pas près de ses cendres, qui reposent au Panthéon, mais près de son tombeau, situé à Ermenonville, dans l’île dite des Peupliers.

La cathédrale de Senlis ; l’église Saint-Pierre, qui sert aujourd’hui de caserne aux cuirassiers ; le château de Henri IV, adossé aux vieilles fortifications de la ville ; les cloîtres bysantins de Charles le Gros et de ses successeurs, n’ont rien qui doive nous arrêter…

C’est encore le moment de parcourir les bois malgré la brume obstinée du matin.

Nous sommes partis de Senlis, à pied, à travers les bois, aspirant avec bonheur la brume d’autonme. En regardant les grands arbres qui ne conservaient au sommet qu’un bouquet de feuilles jaunies, mon ami Sylvain me dit :