Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/407

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architecte, qu’on reconnaissait au mètre qui lui tenait lien de canne, et d’un paysan en blouse bleue, qui venait ensuite. Nous étions disposés à leur demander de nouveaux renseignements.

— Faut-il saluer le régisseur ? dis-je à Sylvain. Il a un habit noir.

Sylvain répondit :

— Non : les gens qui sont dans leur pays doivent saluer les premiers.

Le régisseur passa, étonné de ne pas recevoir le coup de casquette…, qui sans doute lui avait été adressé déjà dans plusieurs occasions.

L’architecte passa derrière le régisseur, comme s’il ne voyait personne. Le paysan seul ôta son bonnet. Nous saluâmes le paysan.

— Vois-tu, me dit Sylvain, nous n’avons pas fait de bassesses…, et nous rencontrerons plus loin quelque bûcheron qui nous renseignera.

La route était fort dégradée, avec des ornières pleines d’eau, qu’il fallait éviter en marchant sur les gazons. D’énormes chardons, qui nous venaient à la poitrine, — chardons à demi gelés, mais encore vivaces, — nous arrêtaient quelquefois.

Ayant fait une lieue, nous comprîmes que ne voyant ni Ver, ni Ève, ni Othys, ni seulement la plaine, nous pouvions nous être fourvoyés.

Une éclaircie se manifesta tout à coup à notre droite, — quelqu’une de ces coupes sombres qui éclaircissent singulièrement les forêts…

Nous aperçûmes une hutte fortement construite en branches réchampies de terre, avec un toit de chaume tout à fait primitif. Un bûcheron fumait sa pipe devant la porte.

— Pour aller à Ver ?…

— Vous en êtes bien loin… En suivant la route, vous arriverez à Montaby.