Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/453

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« Il avait un petit habit gris de ras de Nîmes si pelé, qu’il faisait peur aux voleurs en leur montrant la corde ; une méchante culotte bleue, tout usée, rapiécée par les genoux ; un chapeau déteint, ombragé d’un vieux plumet noir tout plumé, et une perruque qui rougissait d’être si antique. Sa mine basse, encore au-dessous de son équipage, l’aurait plutôt fait prendre pour un poussecu que pour un officier. »

L’abbé de Bucquoy, jouant au piquet avec Renneville, l’un des prisonniers, sous un berceau en treillage, lui dit :

— Mais on est très-bien ici, et, avec la perspective d’en sortir prochainement, qui voudrait tenter de s’en échapper ?

— La chose serait impossible, dit Renneville. Mais, quant à juger du traitement que l’on reçoit dans ce château, attendez encore.

— Ne vous y trouvez-vous pas bien ?

— Très-bien pour le moment… J’en suis revenu à la lune de miel, où vous êtes encore…

— Comment vous a-t-on mis ici ?

— Bien simplement ; comme beaucoup d’autres… Je ne sais pourquoi.

— Mais vous avez bien fait quelque chose pour entrer à la Bastille ?

— Un madrigal.

— Dites-le-moi… Je vous en donnerai franchement mon avis.

— C’est que ce madrigal est suivi d’un autre, parodié sur les mêmes rimes, et qui m’a été attribué à tort…

— C’est plus grave.

En ce moment-là, Corbé passa d’un air souriant, en disant :

— Ah ! vous parlez encore de votre madrigal, monsieur de Renneville… Mais ce n’est rien : il est charmant.

— Il est cause qu’on me retient ici, dit Rennevdle.

— Et vous plaignez-vous du traitement ?

— Le moyen, quand on a affaire à d’honnêtes gens !