d’après la description physique qu’en a donnée un des prisonniers de la Bastille, plus tard réfugié en Hollande.
« Il a deux yeux verts enfoncés sous deux sourcils épais, et qui semblent, de là, lancer le regard du basilic. Son front est ridé comme une écorce d’arbre sur laquelle quelque muphti a gravé l’Alcoran… C’est sur son teint que l’envie cueile ses soucis les plus jaunes. La maigreur semble avoir travaillé sur son visage à faire le portrait de la lésine. Ses joues plissées comme des bourses à jetons ressemblent aux gifles d’un singe ; son poil est d’un roux alezan brûlé.
« Quand il était chevalier de la mandille (laquais), il portait ses cheveux plats frisés comme des chandelles. Il a renoncé à cette coquetterie.
« Quoiqu’il parle rarement, il doit bien s’écouter parler, car il a la bouche fendue jusqu’aux oreilles. Pourtant, elle ne s’ouvre que pour prononcer des arrêts monosyllabiques, exécutés ponctuellement par les satellites qu’il a su se créer… »
Bernaville avait réellement fait partie de la maison du maréchal Bellefonds, et porté la mandille c’est-à-dire la livrée ; mais, à la mort du maréchal, il avait su se mettre dans les bonnes grâces de sa veuve, dont les enfants étaient encore jeunes, et c’est par sa haute protection qu’il avait obtenu la direction des chasses de Vincennes, ce qui impliquait une foule de profits, et l’intendance des pavillons et rendez-vous de chasse, où les gens de la cour faisaient de grosses dépenses. Ceci explique le terme de mépris dont on se servait envers lui en l’appelant gargotier… C’était, disait-on encore, — dans les libres conversations des prisonniers, — un laquais qui, à force de monter derrière les carrosses, s’était avisé de se planter dedans… Mais nous ne pouvons nous prononcer encore avant d’avoir apprécié les actes dudit Bernaville, et il serait injuste de s’en tenir aux récits exagérés des prisonniers.
Quant au nommé Corbé, son assesseur, voici encore son portrait, tracé d’une main qui sent un peu l’école de Cyrano :