Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/466

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instruit du danger de trop de franchise. L’Allemand vivait en mauvaise intelligence avec l’Irlandais. Ce compagnon ne tarda pas à déplaire aussi à l’abbé, Mais le baron de Peken, plus irritable, insulta l’Irlandais de telle sorte qu’un duel fut résolu.

On sépara une paire de ciseaux, dont les deux parties, bien aiguisées, furent adaptées à des bâtons, et le duel commença dans les règles. L’abbé de Bucquoy, qui croyait d’abord que ce ne serait qu’une plaisanterie, voyant l’affaire s’engager chaudement et le sang couler, se mit à frapper contre la porte, ce qui était le moyen de faire venir le porte-clefs.

Interrogé sur cette affaire, il donna tort à l’Irlandais, qui fut mis à part, et resta seul avec le baron. Alors, il lui fit confidence d’un projet d’évasion mieux conçu que l’autre, et qui consistait à trouer une muraille communiquant à un lieu assez fétide, mais d’où, par une longue percée, on descendait naturellement dans les fossés du côté de la rue Saint-Antoine.

Il se mirent à travailler tous deux avec ardeur, et le mur était déjà entièrement troué… Malheureusement, le baron de Peken était vantard et indiscret. Il avait trouvé le moyen de communiquer par des trous faits à la cheminée avec des prisonniers placés dans la chambre supérieure. Chacun des deux reclus montait à son tour dans la cheminée et s’entretenait d’assez loin avec ces amis inconnus.

Le baron, en causant, leur parla de l’espoir qu’il avait de s’échapper avec son ami, et, soit par jalousie, soit par le désir de se faire gracier, un nommé Joyeuse, fils d’un magistrat de Cologne, qui faisait partie de cette chambrée, dénonça le projet à Corbé, qui en instruisit le gouverneur.

Bernaville fit venir l’abbé de Bucquoy, qui se fit porter à bras en qualité de paralytique et attaqua gaiement la position. Il prétendit que le baron de Peken, ayant bu quelques verres de vin de trop, s’était avisé de faire mille contes ridicules à ce Joyeuse, qui n’était véritablement qu’un nigaud, et qu’il serait malheureux que, pour une si sotte dénonciation, on le sé-