Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/467

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parât lui-même du baron, dont la conversion avançait beaucoup.

Le baron parla dans le même sens, et l’on ne tint plus compte de ce qu’avait dit Joyeuse. Du reste, les deux amis, avertis à temps par le porte-clefs, que l’argent dont l’abbé était toujours garni avait mis dans leurs intérêts, avaient pu réparer à temps les dégradations faites au mur, de sorte qu’on ne s’aperçut de rien.

L’abbé de Bucquoy fut remis dans une autre chambre qui faisait partie de la tour de la Liberté. Il continuait à travailler à la conversion du luthérien baron de Peken, et, toutefois, il n’abandonnait pas ses projets d’évasion.

Le porte-clefs l’avait beaucoup humilié en lui contant la facilité avec laquelle un nommé Du Puits avait pu s’évader de Vincennes au moyen de fausses clefs.

Ce Du Puits avait été secrétaire de M. de Chamillard, et on l’appelait la plume d’or, à cause de son adresse calligraphique. Il n’était pas moins exercé à contrefaire les clefs des portes, qu’il fondait et forgeait avec les couverts d’étain qui lui étaient prêtés pour ses repas.

Avec les fausses clefs qu’il s’était procurées ainsi, ce Du Puits sortait la nuit de sa chambre, et s’en allait visiter des prisonniers et même des prisonnières, dont plusieurs l’accueillirent avec autant d’étonnement que de politesse.

Il avait fini par s’échapper de Vincennes, et se réfugier à Lyon avec un nommé Pigeon, son camarade de chambrée. « Jamais a dit depuis Renneville dans ses Mémoires, jamais le docteur Faust n’a passé pour un si grand magicien que ce Du Puits. »

Toutefois, il fut arrêté de nouveau à Lyon, où, pour se procurer, de l’argent, il avait contrefait les ordonnances du roi sur les bons du Trésor.

À la Bastille, Du Puits avait eu moins de bonheur qu’à Vincennes. Il était parvenu à descendre dans un fossé où les faucheurs travaillaient tout le jour, et il avait remarqué,