— Madame, ajouta-t-il, si j’étais un dieu, je ne penserais pas à vous offrir des fleurs, je vous donnerais la plus belle étoile, celle que je vois là. On dit que c’est Vénus…
— Oh ! monsieur Nicolas ! quelle idée avez-vous ?
— Ce qu’on ne peut atteindre, madame, le ciel nous permet du moins de l’admirer. Aussi, toutes les fois maintenant que je verrai cette étoile, je penserai : « Voilà le bel astre sous lequel est née Mlle Colette. »
Elle parut touchée et répondit :
— C’est bien, monsieur Nicolas, et très-joli !
Nicolas s’applaudit d’échapper aux reproches que sans doute il méritait ; mais la dignité de sa maîtresse lui parut de la froideur ; Mme Parangon rentra chez elle ensuite. Le jeune homme se sentait si agité, qu’il ne pouvait rester en place. La soirée n’était pas encore avancée, il sortit de la maison, et se promena du côté du rempart des bénédictins. Quand il revint, la maison était vide ; M. Parangon avait reçu une lettre d’affaires qui l’avait obligé de partir pour Vermanton ; sa femme était allée le conduire à la voiture et s’était fait accompagner de sa servante Tiennette. Nicolas avait le cœur si plein, qu’il fut contrarié de ne savoir à qui parler. En jetant les yeux par hasard dans la cour des cordeliers, il aperçut Gaudet d’Arras, qui se promenait à grands pas, en regardant les astres.
C’était, nous l’avons dit, un singulier esprit que ce moine philosophe. Il y avait dans sa tête un mélange de spiritualisme et d’idées matérielles qui étonnait tout d’abord. Sa parole enthousiaste lui donnait aussi sur tous ceux qui l’approchaient un empire auquel il n’était pas possible de soustraire. Nicolas fit quelques tours de promenade avec lui, s’unissant comme il pouvait aux rêveries transcendantes de Gaudet d’Arras. Son amour platonique pour Jeannette, son amour sensuel pour Mme Parangon, lui exaltaient la tête au point qu’il ne put s’empêcher d’en laisser paraître quelque chose. Le cordelier lui répondait avec une apparente distraction.