Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Rubens, quoique très fidèle au goût classique et n’admirant son peintre favori qu’avec certaines restrictions. Ce malheureux n’avait jamais osé avouer qu’il trouvait quelques défauts, faciles du reste à corriger, dans les chefs-d’œuvre du maître. Ce n’était rien au fond : un glacis pour éteindre certains points lumineux, un ciel à bleuir, un attribut, un détail bizarre à noyer dans l’ombre, et alors ce serait sublime. Cette préoccupation devint maladive. N’osant témoigner ses réserves ni s’attaquer en plein jour à de tels chefs-d’œuvre, craignant le regard des artistes étudiants et même celui des employés, — il se levait la nuit, ouvrait délicatement les portes du musée et travaillait jusqu’au jour sur une échelle double à la lueur d’une lanterne complice. Le lendemain, il se promenait dans les salles en jouissant de la stupéfaction des connaisseurs. On dirait : C’est étonnant comme ce ciel a bleui, c’est sans doute la sécheresse, — ou l’humidité… Il y avait là autrefois un triton… la couleur d’ocre l’aura noyé par un effet de décomposition chimique. — Et on pleurait le triton. On s’aperçut de ces améliorations trop rapides bien longtemps avant d’en pouvoir soupçonner l’auteur. Convaincu enfin de manie restauratrice, le pauvre homme finit ses jours dans un de ces villages sablonneux de la Campine où l’on emploie les fous à l’amélioration du sol.

La statue de Rubens, sur la Place-Verte, est cam-