Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/46

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transplante à la maison de conversation de Baden et s’étiolant au pied de son humide colline. En effet, vous êtes là entre deux dangers : la Forêt-Noire entoure la Maison de jeu ; les pontes malheureux peuvent se refaire à deux pas du bâtiment. Vous entrez riche, et vous perdez tout par la rouge et la noire, ou par les trois coquins de zéros ; vous sortez gagnant, et l’on vous met à sec à l’ombre du sapin le plus voisin : c’est un cercle vicieux dont il est impossible de se tirer.

Eh bien ! je ne veux avoir recours à aucun de ces faux-fuyants. Je n’avais été dépouillé ni par le jeu, ni par les voleurs, ni par aucune de ces ravissantes baronnes allemandes, princesses russes ou ladies anglaises, qui se pressent dans le salon réservé, séparé des jeux par une cloison, ou qui même viennent s’asseoir en si grand nombre autour des tables vertes, avec leurs blanches épaules, leurs blonds cheveux et leurs étincelantes parures : j’avais vidé ma bourse de poëte et de voyageur, voilà tout. J’avais bien vécu à Strasbourg et à Baden, ici, à l’hôtel du Corbeau, et là, à l’hôtel du Soleil ; maintenant j’attendais la lettre chargée de mon ami, et la voici enfin qui marrive à Bade, contenant une lettre de change, tirée par un M. Éloi fils, négociant à Francfort, sur un M. Elgé, également négociant à Strasbourg.

Bade est à quinze lieues de Strasbourg, la voiture