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que je n’ai plus qu’une vingtaine de kreutzers pour aller à Baden ce soir. Si je trouvais un cabaret où je pusse souper pour ce prix, cela me donnerait des jambes pour arriver.

— Comment, monsieur, ce soir à Baden ? mais ce sera demain matin ; vous ne pouvez pas marcher toute la nuit.

— J’aimerais mieux dormir en effet dans un bon lit ; mais j’ai toujours vu que dans les auberges les plus misérables on payait le coucher au moins le double de ce que je possède. Alors il faut bien que je marche jusqu’à ce que j’arrive.

— Moi, me dit-il, je couche à Schœndorf dans deux heures d’ici. Pourquoi n’y couchez-vous pas ? Vous ferez demain le reste de la route.

— Mais je vous dis que je n’ai que vingt kreutzers !

— Eh bien ! monsieur, avec cela, on soupe, on dort et on déjeune ; je ne dépenserai pas davantage, moi.

Je le priai de m’expliquer sa théorie, n’ayant jamais rencontré de pareils gîtes, et pourtant j’ai couché dans de bien affreuses auberges, en Italie surtout. Il m’apprit alors une chose que je soupçonnais déjà, c’est qu’il y avait partout deux prix très différents pour les voyageurs en voiture et pour les voyageurs à pied.

— Par exemple, me dit-il, moi, je vais à Constan-