Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/58

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Et, d’ailleurs, rien qui vienne déranger ce petit monde romanesque. Vous arrivez, non par une route pavée et boueuse, mais par les chemins sablés d’un jardin anglais. À droite, des bosquets, des grottes taillées, des ermitages, et même une petite pièce d’eau, ornement sans prix, vu la rareté de ce liquide, qui se vend au verre dans tout le pays de Baden ; à gauche, une rivière (sans eau) chargée de ponts splendides et bordée de saules verts qui ne demanderaient pas mieux que d’y plonger leurs rameaux. Avant de traverser le dernier pont qui conduit à la poste grand-ducale, on aperçoit la rue commerçante de Baden, qui n’est autre chose qu’une vaste allée de chênes, le long de laquelle s’étendent des étalages magnifiques : des toiles de Saxe, des dentelles d’Angleterre, des verreries de Bohème, des porcelaines, des marchandises des Indes, etc., toutes magnificences prohibées chez nous, dont l’attrait porte les dames de Strasbourg à des crimes politiques que nos douaniers répriment avec ardeur.

L’hôtel d’Angleterre est le plus bel hôtel de Baden, et la salle de son restaurant est plus magnifique qu’aucune des salles à manger parisiennes. Malheureusement la grande table d’hôle est servie à une heure (c’est l’heure où l’on dine dans toute l’Allemagne), et, quand on arrive plus tard, on ne peut faire mieux que d’aller diner à la maison de conversation.