à ce souvenir ; mais un écrivain consciencieux a des curiosités qui sont aussi des devoirs, et c’est ce qui va expliquer jusqu’à quelles profondeurs d’investigation nous dûmes descendre, mon compagnon de route et moi, lui pour les charges de sa renommée, et moi pour l’agrément de sa société.
Le directeur de la prison nous avait parlé beaucoup de l’exécuteur qui avait tranché la tête de Sand. Un crime est une chose si rare dans le duché de Bade, que cette profession est presque une sinécure. Toutefois elle rapporte près de trois mille florins, sans compter une foule de bénéfices accessoires. L’exécution de Sand fut une fortune pour cet homme, qui vendit tous les cheveux du jeune homme un à un, à la moitié de l’Allemagne. Je vous dirai que ce serait là un terrible peuple, si ce n’était bien évidemment le plus heureux des peuples et le mieux gouverné peut-être. Je vais citer un trait qui montre que ce fanatisme alla jusqu’au ridicule le plus violent. Le même exécuteur, connu pour un des plus grands admirateurs de son héros, fit construire, en découpant le bois de l’échafaud, une tonnelle égayée de vignes grimpantes, où l’on venait pieusement boire de la bière à la mémoire de Sand.
Puisque j’en dis tant déjà, il faut tout dire. Nous apprîmes que, le bourreau de Sand étant mort, son fils continuait le même état, et demeurait à Heidelberg. On nous conseilla de l’aller voir. Sur notre