Page:Nerval - Petits Châteaux de Bohême, 1853.djvu/78

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tu m’ôteras même le plaisir que je trouve à te regarder un instant. Mais, vraiment, tu oublies qu’elle est la perle de l’Espagne et de l’Italie, que son pied est le plus fin et sa main la plus royale du monde. Pauvre enfant ! la misère n’est pas la culture qu’il faut à des beautés si accomplies, dont le luxe et l’art prennent soin tour à tour.

LA BOUQUETIÈRE. — Regardez mon pied sur ce banc de marbre ; il se découpe encore assez bien dans sa chaussure brune. Et ma main, l’avez-vous seulement touchée ?

FABIO. — Il est vrai que ton pied est charmant, et ta main… Dieu ! qu’elle est douce !… Mais, écoute, je ne veux pas te tromper, mon enfant, c’est bien elle seule que j’aime, et le charme qui m’a séduit n’est pas né dans une soirée. Depuis trois mois que je suis à Naples, je n’ai pas manqué de la voir un seul jour d’Opéra. Trop pauvre pour briller près d’elle, comme tous les beaux cavaliers qui l’entourent aux promenades, n’ayant ni le génie des musiciens, ni la renommée des poëtes qui l’inspirent et qui la servent dans son talent, j’allais sans espérance m’enivrer de sa vue et de ses chants,